la-tartine-qui-conte

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010. L'âne qui n'avait pas soif

Un vieux sage avait une foi sans pareil, dans laquelle il puisait plus profondément que dans un puits en plein désert.

Il était parvenu à un tel point que son Seigneur, comme il l’appelait lui-même, l’avait rendu capable de guérir les malades, de jeûner quarante jours, et d’éprouver de la compassion pour toutes personnes, même pour ses ennemis.

Mais transmettre sa foi à son disciple, ça, il en était incapable.

- Comment faire boire un âne qui n’a pas soif, se questionnait-il ?

Il faut dire aussi que son disciple était un peu blasé sur les bords. Le vieux sage avait beau lui faire goûter les douceurs spirituelles les plus savoureuses, il répondait toujours indifféremment :

- Mouaih…. Bof.

 

 

C’est ainsi que le vieil homme se décida à aller voir l’ânier du village. Un homme bourru, pas spirituel pour deux sous, mais à la question de savoir comment faire boire un âne qui n’a pas soif, il était réputé pour sa haute compétence.

 

Le sage l’écouta les oreilles grandes ouvertes :

« C’était mon préféré, disait-il, celui sur qui je pouvais compter les jours d’hiver, quand le froid te paralyse. Et puis, un matin, mon âne a refusé de boire.

- Pourquoi ? lui ai-je demandé.

Silence.

Renfermé sur lui-même, serrant les dents, l'âne s'était braqué.

Alors sa langue moite s’est mise à pendre, son souffle est devenu haletant, sa peau s’est desséchée, il était fatigué, vidé. Il ne me servait plus à rien.

 

 

Comment sauver mon âne ? En l'attirant avec une carotte ? Malheureux ! Même quand je l’ai bridé et traîné de toute ma force vers l’abreuvoir, freinant des quatre fers, il n’a pas bougé d'un poil.

 

Seul du sel pouvait déclencher sa soif...

Calmement, j’ai ramassé le sel par terre et l’âne dans la grange, et je l’ai bercé sur mes genoux. La bête n’a pas moufeté, l'air docile. Quand tout-à-coup, elle a rué en arrière, le sel s’est retrouvé dans l’abreuvoir. L’âne sur l’étagère à foin, sans avoir bu une goutte d’eau.

 

A court de solution, j’ai appelé ma femme à la rescousse, et nous avons employé les grands moyens. 

Je tenais les pattes de l’âne coincées entre mes genoux, pour les lier à l'abreuvoir avec une corde, ignorant son grognement sourd. Ma femme maintenait sa tête d’une main et enfonçait une paille dans sa gorge de l’autre. Elle a soufflé le sel dans la paille.

J’ai vu ma femme se précipiter sur un grand verre d’eau, elle en a bu sept pour faire passer le goût du sel. Puis, elle a appliqué des compresses désinfectantes sur mon avant-bras, camouflé les tâches de sang sur le sol.

 

Mais l’âne, les quatre fers en l’air, n’avait pas bu une goutte d’eau.

 

Pour la suite, je te passe les détails. J’ai même appelé les pompiers pour aller chercher ma bête sur le poteau téléphonique... pendant que ma femme, aux urgences, se faisait coudre des points de suture et extirper le sel de son œil droit.

 

 

Alors j'ai baissé les bras.

Je me suis  écroulé dans l’abreuvoir, réfléchissant à un changement de carrière : élever des hamsters, finalement, est-ce que ce ne serait pas plus paisible ?

 

 

C’est alors qu’un petit ânon s’est approché de l’abreuvoir. Assoiffé par la chaleur, il s’est mis à boire à grandes gorgée avec force bruit, sans dissimuler son plaisir.

 

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L’âne robuste, envieux, l’a imité. »

 

 

Conte inspiré d’une histoire racontée au Parcours Alpha «Comment faire avaler sa pilule à mon chat ? » - Illustration trouvée sur muslim-academy.com


26/10/2015
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