la-tartine-qui-conte

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033. Le cocon

Un homme découragé se confie à son curé  :

-          C’est étrange, plus je m’approche du Très-Haut, plus il s’éloigne de moi.

-          C’est parce qu’il veut t’apprendre à marcher, lui répond le prêtre. Il a d’abord soutenu tes premiers pas, et tu as pris confiance. Alors, sans que tu t’en rendes compte, il a lâché. Il a reculé, et tu as trottiné vers lui. S’il s’éloigne mon enfant, c’est qu’il est un Père qui veut t’apprendre à marcher sûrement.

Le disciple fait les cent pas dans son jardin en ruminant.

-          Le Très-Haut m’apprend à marcher ?! Mais quand même, ça dure ! Toutes ces années de combat, comment a-t-il pu permettre ça ?   

A ce moment-là, il perçoit, entre deux branches, dans un creux, un cocon. Il l'observe.

Cocon.png
 

Il devine dans cet œuf une ouverture minuscule qui ressemble à un ongle d'écorce. Un papillon, bientôt, va naître.

Il le voit qui s'insinue par ce trou trop menu pour lui, et qui s'efforce, et qui s'échine, millimètre après millimètre, et qui semble tant s'épuiser qu'il s'arrête, à demi sorti.

-          La pauvre bête n'en peut plus, se dit-il. Je vais l'aider.

De la pointe de son canif, il élargit la porte étroite.

Le papillon, d'une poussée, vient au monde enfin, se délivre.

Mais son corps est gonflé, pesant, et ses ailes sont trop petites, elles paraissent ratatinées.

-          Elles vont bientôt se déployer, j’espère. Ce ventre qui se traîne, obèse, disgracieux, va perdre ce poids qui l'encombre.

Mais non, le papillon est informe à jamais.

L'homme ne savait pas que l'insecte, pour vivre, avait besoin de son combat. Son effort exténuant contre l'exigüité du lieu n’est pas vain : il donne force aux ailes chétives, harmonie aux dimensions.

 

Le Très-Haut lui avait appris à marcher. Désormais, il lui fallait renaitre et enfin voler.

 

Conte inspiré de « Petits contes de sagesse turbulente » d’Henri Gouraud - Illustration : photo de cocon de Bombyx du mûrier


29/04/2016
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