016. Le sonneur de clairon
Voici une histoire en or. Une histoire historique, parce que les hommes, parfois, sont des héros et méritent qu’on parle d’eux dans les contes.
Si vous vous êtes déjà baladés dans les rues de Cracovie, vous aurez certainement entendu le Hejnal, cette musique mélancolique qui résonne d’un clairon comme un chant de deuil. En levant la tête, vous verrez qu’elle provient de la plus haute tour de la ville, celle ornée d’une couronne dorée.
Je connais le trompettiste qui l’interprète. C’est un vieil homme fatigué, il est tout petit, mais ses doigts musclés sont énormes. Et il ne finit jamais sa belle sonnerie lancinante. Non, il préfère l’interrompre brutalement, au moment le plus émouvant. Et savez-vous pourquoi ?
Eh bien voilà !
A cette époque, les Tartares attaquaient les villes, ils incendiaient les maisons et violaient les femmes. Ils pillaient les commerces et emprisonnaient les habitants.
Mais du haut de sa tour, la sentinelle veillait. En permanence, un homme surveillait les allées et venues de l’entrée de la ville. Et grâce à lui, les habitants étaient en paix.
Pourtant, un jour, les Tartares sont parvenus à l’entrée de la ville. Avec armes et cris de guerre, leur attaque promettait d’être sanglante.
Du haut de sa tour, la sentinelle a vu. Et elle a sonné le Hejnal.
Vers les quatre points cardinaux pour alerter tous les habitants de la ville.
Alarmés, on a fermé les portes de la ville, on est monté sur les remparts et on a repoussé les attaques. On a fui aussi.
Mais Cracovie était sauvée.
Soudain une flèche a transpercé la sentinelle à la gorge, et le chant du Hejnal s’est interrompu net.
La sentinelle était morte.
C’est depuis ce jour que, du haut de la "tour de la fanfare", son frère, le petit trompettiste aux doigts musclés, sonne sa musique sans se lasser. Voilà bientôt huit siècles qu’il joue le Hejnal sans jamais l’achever. A chaque heure, il recommence quatre fois de suite en direction des quatre points cardinaux.
En mémoire du joueur de clairon, son frère tué en sauvant sa ville.
L’histoire de ce joueur de clairon, je l’ai aimée car elle est vraie.
Et si je l’ai un peu exagérée, pardonnez.