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57. Le mystère de la lune

Le mystère de la lune

 

Terre de nos ancêtres, terre d'abondance, tu te caches sous la surface du monde, telle une baleine sous la mer, tu nous caches ton mystère.

D'où viens-tu, terre de nos ancêtres ? Quelle main t'a façonnée ?

 

En ce temps là, rien n'était.

Rien.

Pas un insecte dans les arbres, pas une herbe ni un buisson dans les champs.

Rien.

Pas même la terre de nos ancêtres, elle n'était pas encore.

Seul Dieu élaborait son projet.

 

Et puis, levant la main droite, Dieu créa le firmament, et de la main gauche, Il créa la terre.

Il sépara les eaux au-dessous du firmament des eaux qui sont au-dessus.

Ainsi le monde commençait son accouchement.

 

La terre était sombre et déserte,

ses montagnes menaçantes et hostiles, 

sa mer profonde et infinie.

- Dieu, soupira la terre, me voici abandonnée. Tu as gardé le ciel auprès de Toi. Mais moi ? M'as-tu chassée ? Je suis seule. Tes rochers sont durs, ton eau glaciale, les ténèbres règnent sur l’abîme de mon cœur. Je suis loin de Toi. Trop loin.

Alors Dieu se pencha sur la Terre

- Je ne voulais pas t'offenser, terre.

Patience.

Bientôt pousseront sur toi aromates, agapanthes et cyprès. Leurs parfums attireront les abeilles, et la courge donnera, selon son espèce, le noyer donnera, selon son espèce, le fruit qui porte sa semence. Melon, tomate et orange juteuse nourriront tes hommes, tes chênes seront la voûte de leur foyer. Et toi terre, tu te réjouiras d'entendre leur voix et le rire de leurs enfants.

A ces mots, la terre s'apaisa.

Alors, le projet de Dieu ayant suffisamment mûri, Il ouvrit les yeux, et de son regard sortit le soleil et la lune. Le monde s'emplit de lumière, et il ne connut plus l'obscurité, car soleil et lune étaient alors de même taille. Ils brillaient du même éclat, et le jour et la nuit se ressemblaient comme deux frère et sœur rayonnants.

 

Mais la lune, de la pupille de Dieu, avait entendu la plainte de la terre. Elle alla trouver Dieu.

- Faut-il que le soleil ait autant de lumière que moi, lui dit-elle ? Deux souverains ne peuvent porter la même couronne.

- Voudrais-tu briller davantage, s'enquit Dieu plein d'espérance pour sa fille ?

- Non, ce n'est pas ce que je demande, répondit la lune. Je veux que Tu rafles au soleil un peu de son éclat.

Dieu fut chagriné.

- Je désire la Paix, pensait-il. Et voici la guerre. Elle risque de détruire ma création.

Et se tournant vers la lune.

- Tu dis vrai, lune. Vous ne pouvez pas, le soleil et toi, étinceler de la même gloire.

Tu jalouses au soleil sa lumière et tu veux dominer, soit. Mais c'est au détriment de ton frère.

Désormais, c'est du soleil que tu recevras ta lueur. Et pour te rappeler ta demande, tu demeureras dans son ombre chaque fois que la terre passera devant toi.

 

Et Dieu la lune commença à décroître, sa lumière à pâlir, et l'ombre de la terre se reflétait en elle.

Elle se mit à pleurer.

- Dieu, pardonne ma vanité. Pitié.

- Quand je dis, je crée. Et je ne reviendrai pas sur ma parole.

Mais je te donne ma consolation.

Et Dieu puisa dans la lune des milliards d'étoiles.

- Elles seront ta suite, lui présagea-t-il, et les juifs, peuple que je chéri, compteront les jours, non à partir du lever et du coucher du soleil, comme les autres nations, mais d'après toi et tes étoiles. Vous serez le signe qui marquera leurs fêtes.

 

Depuis ce jour, les juifs attendent l'apparition des trois premières étoiles dans le ciel pour nommer leur journée. Et quand le croissant de lune commence à grandir, ils récitent dans sa clarté une prière qui l'embellit, le Kidouche Lévanah.

La nuit du Shabbat, en habits de fête, ils quittent la synagogue, se tiennent sous la voûte céleste, et... 

 

D'où vient le calendrier juif.jpg

 

... et tournés vers la lune, elle les entend proclamer ce chant rythmé :

- Bonne étoile, tu croîs et tu déclines, comme notre peuple.

Tu crois et tu déclines, comme la Présence Divine en nous.

Œuvre merveilleuse,

Jamais tu n'es pauvre longtemps. 

Jamais tu n'es pleine longtemps. 

Pourtant, ce n'est pas toi que nous louons, mais Celui qui t'a créé.

Félicitation, ô grand Astronome, pour ta grande étoile.

Rends-lui sa plénitude,

Rends-nous entier

Comme elle.

 

Et les danses célèbrent leur joie.

C'est alors que la lune est la plus heureuse des astres du ciel.

Elle sort de l'ombre de la terre, et loue son créateur.

 

Conte juif raconté par Léo Pavlàt, édition Gründ -  Illustration du site fr.chabad


27/07/2020
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