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59. L'arme de la brebis

L'arme de la brebis

 

Quand le chameau était encore beau et le singe naïf, au soir du huitième jour après la Création, la terre et les eaux foisonnaient d’une profusion d’êtres vivants. 

 

Mais faisons un petit flash-back sur l'épisode précédent. Que s'est-il passé les sept premiers jours ? Après avoir fait jaillir les étoiles et la terre du néant, avec la poussière tirée du sol, Dieu avait modelé l’homme et dans ses narines, il avait insufflé son souffle de vie.

- Tu me ressembles, lui avait-Il dit émerveillé.

Avec de la terre, Il avait aussi modelé fourmi, coccinelle et rossignol, chameau, crevette et dauphin, et Il avait contemplé tout ce qu’il avait fait.
Son œuvre achevée, Il s'était reposé.

Il y eut un soir, il y eut un matin, ce fut le huitième jour.

 

Ce jour-là, Dieu convoqua tous les animaux de la terre, du ciel et de la mer. Crustacés et coquillages, reptiles, mollusques, vertébrés et mammifères, tous étaient rassemblés là, sur la montagne, et se réjouissaient avec Dieu du monde qu'Il avait fait naître.

 

Seule la brebis était triste devant le trône de Dieu.

- Que te manque-t-il, l'interrogea Dieu ? Pourquoi ne te réjouis-tu pas avec nous ?

- J'aimerais me réjouir, répondit la brebis, mais tu m'as créée sans défense. Comment pourrais-je alors protéger ma vie et celle de mes petits ?

- Ah... fit Dieu. Et que désires-tu donc ? Des griffes comme l'ours et le vautour ?

La brebis baissa les yeux.

- Voudrais-tu des dents pointues comme le crocodile et le loup ?

La brebis rasait les murs.

- Préfères-tu un venin comme le serpent et la guêpe ?

La brebis nia de la tête.

- Que veux-tu alors ? Les défenses de l'éléphant ? Le bec saillant de l'aigle ? Ou plutôt la mâchoire du requin ? Ou peut-être les pinces du crabe ?

Réponds-moi s'il-te-plaît, chère brebis.

- Je veux simplement qua la mouette cesse de se moquer de moi, répondit la brebis, elle qui peut s'envoler au loin au moindre danger. Mais je n'envie plutôt la carapace de la tortue.

 

 

 

Même l'escargot se moque de moi, lui à qui tu as donné une maison pour se réfugier. Moi aussi, je voudrais bien une arme qui me défende sans faire de mal à personne.

Dieu s'assit au pied de sa brebis, et il la prit sur ses épaules.

- Tu veux vivre dans la Paix ?

J'exauce ton vœux. 
Je te donne un berger, et je te donne une qualité qui te protégera de tout mal.

Et il fit la brebis humble et soumise afin qu'elle suive son maître et protecteur.

- Et si la mouette se moque encore de toi, ajouta Dieu, dis-lui que tu n'es pas docile envers n'importe qui. Tu sais reconnaitre la voix de ton berger parmi mille, et il est le seul à bénéficier de ta confiance. 

La brebis se réjouit avec son Seigneur, mais encore aujourd'hui, elle se rappelle son audace. Car c'est depuis ce premier sanglot qu'elle bêle.

 

 

Conte juif raconté par Léo Pavlàt, édition Gründ - Illustration trouvée sur le site magasinsaveve.be/ langagedumouton


05/08/2020
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