la-tartine-qui-conte

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045. La manteau de l'aveugle

Un jour quelque part, un aveugle mendiait. Son écriteau  suppliait « Donnez-moi quelque chose s’il vous plait »

Il entendait les pas des passants claquer sur le sol, courir sans s’arrêter, mais jamais une pièce ne tombait dans sa timbale.

Quand sa femme arrive en hâte, elle vient le chercher, l'amène jusqu’à la ligne six du métro aérien. L'aveugle avait oublié qu’il était invité à la fête des voisins ce soir-là.

Quand  il arriva, sale et mal rasé, on ne lui adressa pas la parole et il se retrouva en bout de table. Je peux vous le dire, j’y étais. Aucun de nous ne le servit, ni ceux qui prennent les premières places à l’église, ni celles qui aiment se promener en robes longues, et être saluées dans les meetings.

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Ce soir-là, il se jura qu’on le l’y reprendrait plus.  

 

Un an plus tard, l’aveugle reprend la même place, au coin de sa rue, avec le même écriteau, il espère.

Un enfant passe par là. Il s’arrête, le regarde, et lui vient une idée. Il prend l’écriteau, le retourne, et, sa respiration coupée, la langue serrée entre ses dents, il écrit.

Ce jour-là, les pièces tombent dans la timbale comme une percussion vivifiante. L’aveugle arrête un passant dont le pas est moins pressé, et lui demande de le lire.

-          C’est bientôt le printemps, je ne le verrai pas, mais j’aimerais respirer son parfum.

 

Quand sa femme vient le chercher pour le la fête annuelle de la résidence, il détourne sa route vers un magasin chic, choisit un manteau en doux velours. Puis il passe par chez lui et se rase de prêt.

Quand il arrive au banquet, il est accueilli, considéré, choyé et les plats lui arrivent abondamment avec les meilleurs morceaux. Aucun d’entre nous ne le reconnait.

Toutefois, au lieu de manger, l’homme se met à répandre la nourriture sur ses habits et dans ses manches avec beaucoup d’attention… ce qui jette un froid dans l’assistance. Bientôt mon voisin lui demande pourquoi il agit ainsi ?

-           La dernière fois, j’étais mal habillée, vous ne m’avez rien offert pour me nourrir. Aujourd’hui, je suis venu en bel habit et vous me traitez comme un roi. Alors je crois que ce n’est pas moi que vous avez invité mais mon manteau.

Et il continue :

-          Allez, mange mon petit manteau mange.

 

Conte arabe de Jihad Darwich, interprété par Pepito Mateo – Illustration de Jean François Laguionie trouvée sur http://www.chrisknipp.com

 



05/05/2020
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