030. Le manteau
Maintenant, dis à ton cœur qu'il vienne près de moi. Et mes paroles vont se faufiler dans ton oreille et te dire l'histoire du manteau.
Elle se passe dans un pays glacial, où l'air pique la peau et te mord les orteils.
Les passants s’emmitouflent, cherchent l’abri des murs contre le vent mouillé.
Tout en haillon, un homme crispé de froid, grelotte dans un coin de porche.
- Seigneur, dit-il entre ses claquements de dents, un manteau.
- Attends encore trois jours, lui répond une voix discrète.
L’homme ne sait pas s’il a rêvé, mais il reprend courage.
- Plus que trois jours, se dit-il, réchauffé par cet espoir.
Il renifle et va, mendie son pain, cherche le soir la chaleur de tavernes.
Au matin du troisième jour, un vagabond meurt dans ses bras.
- Prends mon manteau, dit-il avant de rendre son dernier souffle. Où je vais, je n’aurai plus froid.
C’est un vieux blouson miteux et humide, rapiécé de tissus hétéroclites.
- Trois jours pour assembler vaille que vaille cette misère de patchwork ? Mais où sont les trésors promis aux malheureux ?
- Dis-moi, ô Seigneur, où as-tu appris à coudre si mal ?
- Que dis-tu, lui répond la voix ? Je suis tout nu. Oh que j’ai froid.