048. Les deux Plaixe
Plus je vous en dirai, plus je mentirai.
Je ne suis pas payée pour vous dire la vérité...
C'est à la même fraction de seconde que deux hommes arrivent devant la porte d’entrée du Paradis.
Ils portent tous deux le prénom peu commun de Plaixe.
L'un est chauffeur de taxi. Un accident de voiture vient de lui couter la vie.
L’autre est curé du même village, il a rendu l’âme pendant son homélie.
Saint Pierre les accueille chaleureusement, avec son trousseau de clefs plus nombreuses que les étoiles.
Le chauffeur de taxi passe en premier. Pierre consulte ses registres et approuve :
- Très bien, petit frère. Tu as gagné le Paradis.
Et il le vêtit d’une magnifique tunique en fils d'or, et d’un bâton en ivoire, en lui ouvrant la porte.
Quand arrive le curé, Pierre consulte à peine son registre et lui dit
- Bon petit frère, toi aussi, tu peux entrer.
Et il le recouvre d’une tunique de lin blanc et d’un bâton en chêne.
- Pardon Seigneur, se permet d’objecter le prêtre, surpris. Mais il doit y avoir une erreur. Je suis bien le curé du village, le Père Plaixe !
- Oui mon fils, tu as mérité le Paradis avec cette belle tunique de lin.
- Non ! Ce n'est pas possible ! Je connais ce chauffeur de taxi, il vivait dans mon village. C'était une catastrophe ! Il n’y avait pas un jour sans qu’il ait un accrochage.
Alors que moi, j'ai donné ma vie au Seigneur, corps et âme. Comment est-il possible qu'on lui donne la tunique en fil d'or et à moi celle-ci ?
- Il n’y a pas d’erreur, petit frère, lui répond Pierre calmement.
Nous avons changé de politique. Désormais, nous travaillons au résultat. Avec statistiques et objectifs chiffrés. Évaluations, bilans et réunionites n’ont pas manqué pour rédiger vos registres de façon scrupuleuse.
Durant ces dix dernières années, chaque fois que tu prêchais, les paroissiens s'endormaient. Mais lui, chaque fois qu'il conduisait, tout le monde priait.