la-tartine-qui-conte

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001. Le petit tailleur de pierres

 

C'était un petit tailleur de pierre qu'on pouvait voir travailler tout le jour au pied de sa haute montagne. Hiver comme été, de l'aurore jusqu'au crépuscule, il donnait des coups de burin dans la pierre avec ténacité. 

Un jour de grande chaleur, alors qu'il travaille dur, passe, sur la route qui enlace la montagne, un carrosse doré. Son passager, le roi, part en vacances. Voyant l'homme se fatiguer, il lui lance : 

"Pfft pourquoi t'user à la tâche pauvre crétin des Alpes. Ce n'est pas un temps pour ça. Tu ferais mieux de te prélasser à l'ombre de l'autre côté de ta montagne, comme je le fais sans cesse."

"Mais j'ai ma famille à nourrir moi, soupire le tailleur de pierre. Ah si je pouvais être roi"

Et Rriibouledingue, le voilà roi au milieu de son palais. 

 

Vêtu comme l'as de pic, il se promène dans son grand parc, à l'ombre des arbres encore feuillus. Pendant ce temps, son jardinier est entrain d'essuyer une par une chaque pétale de chaque fleurs avec un chiffon de soie, sur l'ordre de sa majesté.

Comme le roi arrive dans l'allée des renoncules, il remarque que l'une d'elles commence à faner.

"Qu'est-ce que c'est que ça ?" demande-t-il sévèrement au jardinier. "C'est une fleur un peu flétrie, répond-il tout tremblant. C'est qu’il y a plus puissant que toi, ô mon roi" ose-t-il ajouter en pointant le soleil brûlant de l'été.

"Ah si je pouvais être soleil" soupire le roi envieux. 

Et Rriibouledingue, le voilà soleil qui rayonne de mille feux sur la terre.

Soleil.png 

Ébloui par sa puissance, il fait le tour de chaque continent, il visite toutes les îles et même les mers qui reflètent sa lumière. Mais arrivé au-dessus de la Bretagne, il est dérangé. "Pousse-toi nuage, tu me caches l'horizon. Je n'y vois plus rien, moi" Mais le nuage reste là, têtu et immobile, si bien qu'après trois tours de planète, le soleil n'a toujours pas pu contempler la côte dentelée de Bretagne.

"Ah si je pouvais être nuage" se lasse le soleil.

 Et Rriibouledingue le voilà nuage au dessus de Brest.

Enflé d'un souffle nouveau, il décide de partir en voyage, pour aller fondre au dessus des terres desséchées du Var.

Enfin il peut voir la terre de plus près, et sous tous ses angles peuchère. Tout revigoré, il virevolte, navigue et se balance...  Quand soudain, sa route est barrée... il se trouve face à face avec une montagne.

Il prend son élan pour tenter de la traverser, mais pas moyen. Le voilà obligé de se mettre à l'unisson avec ses congénères. Il se plaint avec eux.

"Ah si je pouvais être montagne".

Et Rriibouledingue, le voilà montagne, fière et couronnée de blanc cumulus.

Immuable, il se repose enfin. 

Une seule chose le gêne, mais elle est lancinante, il sent quelque chose qui lui chatouille les pieds.

"C'est insupportable. Qu'est-ce qui me gratte comme ça ?".

Cette démangeaison ne cesse ni l'été, ni l'hiver, elle dure, dure de l'aurore jusqu'au crépuscule. Il se penche et voit un homme qui taille ses pieds à sa guise, sans tenir compte de ses protestations.

"Ah si je pouvais être tailleur de pierre !"

Et Rriibouledingue.

Il a retrouvé sa place au pied de ses monts, à sculpter la roche récalcitrante. Mais désormais, il siffle au rythme de son burin et sourit quand le soleil le brûle et que les nuages viennent le rafraîchir.

 

Conte entendu au Centre Mandapa par Ralph Nataf (Arts du spectacle traditionnel et contemporain, Paris 13è) - Illustration tirée du blog : http://paris.blog.lemonde.fr

 



24/08/2015
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