011. Le juge des cieux
Un vent de rébellion souffle sur le Tribunal des Étoiles. Tenu par le Juge des Cieux, ce tribunal tient sa réputation de sa balance monumentale... tellement gigantesque qu'on l'a suspendue entre les étoiles.
Ce soir, une femme se présente au Tribunal des Etoiles… Mais cette fois, ce n’est pas pour être jugée.
C’est elle qui vient accuser son Juge !
- Comment ?! C’est toi, le Juge des Cieux, qui voudrait que je te rende des comptes ?! S’écrit-elle avec hargne. Quel toupet ! Toi qui permet la souffrance sur cette terre, tu voudrais que moi je te doive quelque chose ?! Toi le Juge des cieux, que sais-tu des souffrances que nous endurons dans ce monde ?
Quelle audace ! L’accuser lui, le Juge des cieux !
Cette femme risque gros avec sa franchise, elle pourrait le payer très cher.
Mais non, le Juge ne semble pas s’offusquer. Au contraire, il se tait et l’écoute.
- Toi qui ne sais même pas ce que c’est que d’être mortel, que peux-tu deviner de ce que j’ai éprouvé en mon sein quand mon enfant est mort ?
Mon fils, la chair de ma chair, lui jeune et innocent.
- Toi, esprit immortel, qu’as-tu à répondre à cela ?
Depuis le temps qu’il attendait ce moment-là ! Enfin, cette mère meurtrie ouvre son cœur. Au lieu de ressasser sa rancune en elle-même, enfin elle s’adresse à la bonne personne.
- Je te demande pardon, lui répond le Juge des cieux avec douceur.
La femme relève la tête et le regarde droit dans les yeux.
- Oui, reprend le Juge, tu as subi un enfer dans tes entrailles de maman. Je te demande de me pardonner, lui répète-t-il tendrement.
Un silence lourd pèse sur l’assemblée. La femme laisse couler des larmes qui viennent du tréfonds de son âme. Au son de sa voix, elle sait qu’il est sincère.
Est-ce la faute du Juge si son petit est décédé ? Elle n'en est plus sûre, mais elle avait besoin de cette repentance, et c’est Lui qui s’en est chargé.
Elle s'apprête à se laisser réconforter, quand elle se rappelle toutes les fois où une parole l’a trompée. Alors elle se ravise.
- Ah, c’est un peu facile ! Une belle parole.
Toi, du haut du ciel, où tout n’est qu’harmonie et lumière, où il n'y a jamais ni larme, ni plainte, ni famine, ni haine, que sais-tu de ce que j’ai vécu dans mon cœur de mère !? Toi qui vis dans ta tour d'ivoire, loin des troubles, de l'agitation et des tourments…
… Traverses d’abord ce que j’ai traversé, et on en reparlera. Que ton propre fils soit condamné à mourir.
Pendant que le verdict de la femme est énoncé, c'est le silence complet. Pas le moindre bruit. Pas le moindre mouvement. La balance suspendue entre les étoiles pèse du côté du Juge des Cieux.
C’est lui qui rompt le silence.
- Que j’ai un fils, moi qui viens des cieux, que je me fasse chair ?
Femme, tu me demandes l’impossible.
- Oui, répond-elle sans se démonter.
- Et que le fils du Juge des cieux soit tué ?
Femme, tu veux faire scandale ou quoi ?
- Oui, acquiesce-t-elle sans se défiler.
- Alors, toi aussi, tu me condamnes ?
Elle approuve de la tête.
Silence.
- Pour toi je le ferai.
Mon fils prendra chair dans les entrailles d’une femme.
Il vivra, il partagera les joies et les peines de l’homme.
Et puis il sera trahi, et on le condamnera à mourir.
A-t-il tenu parole ?
A votre tour de juger le Juge des Cieux.